Ni beaux ni laids

Dessiner un sourire, maquiller un visage blême et transformer en perle nacrée une larme sur la

joue d’un enfant. Dénuder avec volupté les courbes et les rondeurs d’une muse. Sculpter avec

doigté ses moindres frissonnements puis, dans un jeu d’ombre susciter le désir.

Déposer des paillettes dorées dans des yeux délavés et épingler des étoiles dans une nuit trop

sombre. Effleurer avec tendresse une toile vierge avant de la caresser avec subtilité de son

pinceau. Broder délicatement un nuage, coucher un soleil ardent dans une vallée loin du bruit.

Pincer la corde d’un violon pour le faire pleurer, faire gémir la mer ou valser le vent.

Peindre une bouche au goût de miel, offrir des lèvres entrouvertes, déployer les ailes d’un oiseau

et faire trembler les arbres effeuillés. Blanchir les zones d’ombre ou noircir à dessein un blanc

insoutenable. Bleuir un ciel en deuil, creuser une ride ou lisser un front chagriné.

Une main d’artiste peut embellir, dénoncer, dévêtir, nuancer, déchirer, détacher les amarres d’un

bateau malgré la rage des vagues ou coiffer un crépuscule. Raturer des blessures, éterniser

l’aurore, givrer une fleur qui pleure et façonner de la poussière d’étoiles.

Une main d’artiste peut aussi graver, supplier, rédiger un mot, un poème, une lettre avec

sensibilité. Toucher délicatement l’âme, confectionner avec soin un bouquet de violettes sur un

fond d'herbe folle, inventer le rêve et transposer des instants d’éternité.

Une main d’artiste reste en lien avec le cœur et les émotions de l’artiste. La main devient

l’instrument de sa grande sensibilité. Dans la main de l’artiste, l’impossible devient possible, car

les gouttes de rosée endorment le tumulte et abreuvent notre soif de beauté.

FFA 00051195

Inspiré de l 'œuvre de l’artiste peintre Mohamed Labidi